Le texte de Cléonice représente, dans la littérature française du XVIIe siècle, un échelon d’une grande importance dans l’évolution de la production en prose. L’œuvre voudrait se démarquer des romans héroïques de la première moitié du siècle pour aller à la rencontre de nouveaux goûts d’un public raffiné, désormais fatigué des interminables récits aux aventures tout aussi extraordinaires qu’invraisemblables qui avaient comme protagonistes des personnages de haut lignage. En effet, l’auteur opte pour un récit abrégé, avec une construction de l’intrigue moins complexe par rapport au modèle du roman héroïque et dépouillé des péripéties invraisemblables. Toutefois, quoique l’auteur se produise dans une contestation des procédés caractéristiques du roman héroïque, le texte n’est pas exempte de nombreux topoï repris, justement, de la fiction romanesque qu’elle voudrait désavouer. L’apport majeur au renouvellement du genre est représenté par la place prépondérante attribuée au sujet amoureux. Le récit des évènements est souvent interrompu par toute une série de manifestations tirées du répertoire précieux. Ainsi le récit résulte-t-il parsemé de vers, questions d’amour, portraits, rébus, jeux de société, conversation à sujet amoureux dont le but est une manifestation ostentatoire de l’esprit de la galanterie. Une étude des procédés de la fiction nous paraît extrêmement intéressante pour une évaluation des éléments constitutifs de ce genre qui s’annonce encore incertain. D’autre part la nouvelle se présente aussi comme la transposition ostensiblement romanesque de faits historiques. L’auteur aurait donné des noms fictifs aux personnages d’une histoire véritable. L’intrigue de la nouvelle serait donc construite sur un référent historique. Si l’on accepte cette hypothèse, à coté des procédés de la fiction on devrait étudier les enjeux de l’histoire. Le texte offre donc la possibilité de vérifier encore une fois quels sont les rapports de l’histoire et de la fiction dans la production en prose de la deuxième moitié du siècle. Mais dans ce texte la valeur référentielle historique n’est pas explicitée ; il faudrait alors considérer préalablement l’importance de l’implicite historique dans le texte, étudier à travers quels expédients contextuels, rhétoriques ou connotatifs il est introduit. L’implicite, en outre, suppose, de la part du lecteur, le copartage d’une encyclopédie de connaissances et par ce biais il fournit des indications sur la réception du texte.
Cléonice ou le roman galant : entre renouvellement générique et réception problématique / Sale, Giorgio. - In: LITTERATURES CLASSIQUES. - ISSN 0992-5279. - 61:(2007), pp. 35-43.
Cléonice ou le roman galant : entre renouvellement générique et réception problématique
SALE, Giorgio
2007-01-01
Abstract
Le texte de Cléonice représente, dans la littérature française du XVIIe siècle, un échelon d’une grande importance dans l’évolution de la production en prose. L’œuvre voudrait se démarquer des romans héroïques de la première moitié du siècle pour aller à la rencontre de nouveaux goûts d’un public raffiné, désormais fatigué des interminables récits aux aventures tout aussi extraordinaires qu’invraisemblables qui avaient comme protagonistes des personnages de haut lignage. En effet, l’auteur opte pour un récit abrégé, avec une construction de l’intrigue moins complexe par rapport au modèle du roman héroïque et dépouillé des péripéties invraisemblables. Toutefois, quoique l’auteur se produise dans une contestation des procédés caractéristiques du roman héroïque, le texte n’est pas exempte de nombreux topoï repris, justement, de la fiction romanesque qu’elle voudrait désavouer. L’apport majeur au renouvellement du genre est représenté par la place prépondérante attribuée au sujet amoureux. Le récit des évènements est souvent interrompu par toute une série de manifestations tirées du répertoire précieux. Ainsi le récit résulte-t-il parsemé de vers, questions d’amour, portraits, rébus, jeux de société, conversation à sujet amoureux dont le but est une manifestation ostentatoire de l’esprit de la galanterie. Une étude des procédés de la fiction nous paraît extrêmement intéressante pour une évaluation des éléments constitutifs de ce genre qui s’annonce encore incertain. D’autre part la nouvelle se présente aussi comme la transposition ostensiblement romanesque de faits historiques. L’auteur aurait donné des noms fictifs aux personnages d’une histoire véritable. L’intrigue de la nouvelle serait donc construite sur un référent historique. Si l’on accepte cette hypothèse, à coté des procédés de la fiction on devrait étudier les enjeux de l’histoire. Le texte offre donc la possibilité de vérifier encore une fois quels sont les rapports de l’histoire et de la fiction dans la production en prose de la deuxième moitié du siècle. Mais dans ce texte la valeur référentielle historique n’est pas explicitée ; il faudrait alors considérer préalablement l’importance de l’implicite historique dans le texte, étudier à travers quels expédients contextuels, rhétoriques ou connotatifs il est introduit. L’implicite, en outre, suppose, de la part du lecteur, le copartage d’une encyclopédie de connaissances et par ce biais il fournit des indications sur la réception du texte.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.