Les Exilez de Madame de Villedieu constitue l’un des derniers romans français du XVIIe siècle qui, après les grands romans héroïques, reprend le mythe romain et, plus particulièrement, propose la reconstitution de l’époque d’Auguste. Mais, contrairement à la plupart de la production narrative qui situait son action principale dans la ville impériale, l’action des Exilez se déroule à l’écart du centre politique et intellectuel de l’Antiquité. Comme le suggère le titre, les protagonistes eux-mêmes se trouvent dans une position de marginalité qui leur est imposée : leur exil, en effet, les contraint dans une île imaginaire, Thalassie. L’île sur les bords de la Mer Noire représente le lieu mythique du royaume galant, puisqu’il s’agit de la dernière retraite du technicien de l’amour que fut Ovide. En fait, le poète latin fut exilé à Tomes ; Thalassie, donc, se présente ostensiblement comme une île de fiction, sans que l’auteur lui attribue des dénotations géographiques ni historiques précises. Cette localisation, en outre, ne manque pas de rappeler le topos de l’exil du poète, de l’écrivain, de l’intellectuel. L’espace restreint de l’île est strictement lié à une action d’opposition politique. Dans ce lieu marginal où les individus expient la faute de s’être opposés au pouvoir, les exilés peuvent enfin lancer librement leur défi à la société qui les a repoussés. Dans l’imaginaire de l’époque classique, en effet, marqué par l’absolutisme royal, la destinée d’Ovide constitue une métaphore du rapport complexe et extrêmement fragile entre la politique, l’espace et la culture. La société mondaine de cette période, considère l’exil comme un phénomène ne concernant pas seulement la sphère politique, mais qui touche aussi au domaine de l’esthétique. L’île constitue, donc, l’espace limité où la production littéraire peut donner libre cours à l’expression d’une opposition politique possible, puisqu’elle se cache sous le sceau rassurant de la fiction littéraire.

L’île comme procédé narratif : Les Exilez de Madame de Villedieu (1672-1678) / Sale, Giorgio. - 190:(2010), pp. 111-126.

L’île comme procédé narratif : Les Exilez de Madame de Villedieu (1672-1678)

SALE, Giorgio
2010-01-01

Abstract

Les Exilez de Madame de Villedieu constitue l’un des derniers romans français du XVIIe siècle qui, après les grands romans héroïques, reprend le mythe romain et, plus particulièrement, propose la reconstitution de l’époque d’Auguste. Mais, contrairement à la plupart de la production narrative qui situait son action principale dans la ville impériale, l’action des Exilez se déroule à l’écart du centre politique et intellectuel de l’Antiquité. Comme le suggère le titre, les protagonistes eux-mêmes se trouvent dans une position de marginalité qui leur est imposée : leur exil, en effet, les contraint dans une île imaginaire, Thalassie. L’île sur les bords de la Mer Noire représente le lieu mythique du royaume galant, puisqu’il s’agit de la dernière retraite du technicien de l’amour que fut Ovide. En fait, le poète latin fut exilé à Tomes ; Thalassie, donc, se présente ostensiblement comme une île de fiction, sans que l’auteur lui attribue des dénotations géographiques ni historiques précises. Cette localisation, en outre, ne manque pas de rappeler le topos de l’exil du poète, de l’écrivain, de l’intellectuel. L’espace restreint de l’île est strictement lié à une action d’opposition politique. Dans ce lieu marginal où les individus expient la faute de s’être opposés au pouvoir, les exilés peuvent enfin lancer librement leur défi à la société qui les a repoussés. Dans l’imaginaire de l’époque classique, en effet, marqué par l’absolutisme royal, la destinée d’Ovide constitue une métaphore du rapport complexe et extrêmement fragile entre la politique, l’espace et la culture. La société mondaine de cette période, considère l’exil comme un phénomène ne concernant pas seulement la sphère politique, mais qui touche aussi au domaine de l’esthétique. L’île constitue, donc, l’espace limité où la production littéraire peut donner libre cours à l’expression d’une opposition politique possible, puisqu’elle se cache sous le sceau rassurant de la fiction littéraire.
2010
978-3-8233-6578-5
L’île comme procédé narratif : Les Exilez de Madame de Villedieu (1672-1678) / Sale, Giorgio. - 190:(2010), pp. 111-126.
File in questo prodotto:
Non ci sono file associati a questo prodotto.

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11388/74214
Citazioni
  • ???jsp.display-item.citation.pmc??? ND
  • Scopus ND
  • ???jsp.display-item.citation.isi??? ND
social impact